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Traiter les yeux tout en guérissant l’esprit – première partie

L’incidence de la sécheresse oculaire sur la santé mentale, première partie

(I-MED Pharma)
avec Anu Chiarelli, M.A., inf. aut.

La sécheresse oculaire est une affection de la surface de l’œil et du film lacrymal. Les symptômes physiques et la fréquence à laquelle ils se manifestent peuvent varier, allant de la légère irritation à la douleur chronique. La présence de nombreux symptômes physiques est souvent liée à une diminution importante de la qualité physique de la vie, puisque ces symptômes peuvent influer sur tout : le travail, les études, les loisirs et les relations. Bien qu’il soit important de parler de l’inconfort physique associé à la sécheresse oculaire, cette publication en deux parties se penche sur l’incidence de cette affection sur la santé mentale et la qualité de vie mentale.

Les personnes souffrant de sécheresse oculaire doivent aborder la question de la santé mentale et de la qualité de vie mentale avec leur médecin de premier recours ou leur professionnel des soins de la vue. Il a été établi que les patients qui présentent une sécheresse oculaire très symptomatique connaissent également une diminution considérable de leur qualité de vie tant physique que mentale[i]. Alors que d’autres maladies oculaires et affections chroniques affectent principalement soit la qualité de vie mentale, soit la qualité de vie physique, la sécheresse oculaire réduit les deux de façon importante. Cette incidence devrait servir à souligner le fait que la sécheresse oculaire est une maladie grave qui doit faire l’objet d’un diagnostic et d’une prise en charge précis.

Anu Chiarelli, conseillère thérapeute, infirmière autorisée et patiente atteinte de sécheresse oculaire, s’est jointe à nous dans le cadre de cette série en deux parties pour discuter du lien entre la sécheresse oculaire et la santé mentale. Anu possède de l’expérience dans la prestation d’aide thérapeutique aux individus, aux couples et aux professionnels de la santé dans des domaines tels que les traumatismes, la dépendance et la dépression. Elle plaide la cause des traitements personnalisés, holistiques et intégratifs et croit en l’importance de déterminer les causes profondes et les problèmes sous-jacents. Grâce à son expérience tant personnelle que professionnelle, Anu est bien placée pour parler du lien entre sécheresse oculaire et santé mentale.

Mise en garde : Cette publication aborde le sujet des pensées suicidaires et des traumatismes.

[Début de l’entrevue]

Pour commencer, pouvez-vous nous parler de la façon dont la sécheresse oculaire peut affecter la santé mentale?

[Anu Chiarelli] : La sécheresse oculaire peut entraîner des troubles du sommeil. En effet, 50 % des personnes ayant les yeux secs ont de la difficulté à dormir ou manquent de sommeil, ce qui nuit à la santé mentale.

La détérioration de la santé peut causer une profonde tristesse, puisque nous souffrons de cette maladie chronique et progressive pour laquelle il n’existe pas de cure.

La sécheresse oculaire entraîne une perte de jouissance de la vie, parce que nous sommes incapables de prendre part à plusieurs activités auxquelles nous nous adonnions autrefois. Les autres ne comprennent pas toujours ce sentiment, et certains peuvent vous donner des conseils du genre « Tu n’as qu’à te mettre des gouttes dans les yeux », ce qui ne fait que minimiser la maladie.

La sécheresse oculaire rend la vie plus compliquée, puisque vous devez tout planifier, même les activités quotidiennes comme conduire la voiture, faire l’épicerie, utiliser un ordinateur. Vous devez même vous adapter à la météo. Si la journée est ensoleillée, ou s’il fait froid ou qu’il y a beaucoup de vent, les yeux en seront affectés. Le chauffage, la climatisation ou les ventilateurs sont aussi à prendre en considération, car ce sont tous des éléments qui incommodent les yeux.

Les personnes qui souffrent de sécheresse oculaire ne se sentent pas toujours attirantes, parce qu’elles ont les yeux rouges et les paupières gonflées, qu’elles larmoient constamment et qu’elles ne peuvent porter de maquillage. Cela peut nuire à votre confiance en vous et à votre estime personnelle.

La sécheresse oculaire peut entraîner une perte de productivité au travail ou à l’école. Lorsque vous êtes incapables d’accomplir le travail de votre vie, vous pouvez avoir l’impression de perdre votre raison d’être, un sentiment associé à la dépression. Puisque vous ne pouvez être aussi productif et que vous ne pouvez pas accomplir autant de choses qu’à l’habitude, vous vous sentez inutile.

La sécheresse oculaire peut entraîner des problèmes financiers, parce que le traitement est coûteux. Certaines personnes ne peuvent se permettre ou se procurer le traitement idéal ou optimal. La lumière intense pulsée en est un exemple : certaines personnes ne peuvent se permettre un tel traitement; elles se tournent donc vers les antibiotiques, qui constituent un traitement inférieur. Les problèmes financiers peuvent affecter la santé mentale, et vous ne pouvez vous permettre ou vous procurer le traitement qui vous aidera à vous sentir mieux.

La maladie, surtout lorsqu’elle est chronique, peut causer beaucoup d’anxiété. Pouvez-vous nous décrire certaines sources d’anxiété que peuvent vivre les personnes souffrant de sécheresse oculaire?

[Anu Chiarelli] : Les gens peuvent ressentir de l’anxiété au début de la journée. Souvent, la première chose à laquelle ils pensent est : « À quel point mes yeux me feront-ils souffrir aujourd’hui? ». La sécheresse oculaire est imprévisible; vous ne savez jamais comment sera votre journée, et cette imprévisibilité, ou ce sentiment de ne pas avoir de contrôle sur quelque chose, cause de l’anxiété.

Il y a aussi l’anxiété liée au traitement. Il n’existe aucun traitement standard associé à des données probantes; cela entraîne donc plusieurs questionnements et de l’anxiété quant à savoir si un traitement peut être nuisible. Les gens peuvent se demander : « Est-ce que ce traitement convient réellement à mes yeux? » ou « Sera-t-il efficace, ou est-ce de l’argent gaspillé? ». D’autres questions nous viennent également à l’esprit : « Et si le traitement n’est pas efficace? Si cela ne fonctionne pas, est-ce que quelque chose finira par fonctionner? »

On craint que la maladie ne s’aggrave, surtout compte tenu du fait que la sécheresse oculaire est progressive. Cela peut nous mener à nous inquiéter de ne plus pouvoir prendre soin de notre famille, travailler ou subvenir à nos besoins. Certaines personnes ont peur de perdre la vue ou se demandent si leurs yeux seront correctement pris en charge si elles se retrouvent dans un établissement de soins de longue durée.

Cette anxiété ne s’estompe jamais, même si, comme moi, vous allez bien depuis un long moment. Chaque fois que je ressens une légère sécheresse, je me demande ce qui se passe et si mon état va s’aggraver de nouveau. Cette anxiété ne vous quitte pas, même lorsque vous vous sentez bien, parce que vous vous rappelez encore les horribles journées que vous avez connues.

Y a-t-il des traitements qui soulèvent tout particulièrement des inquiétudes?

[Anu Chiarelli] : Non, tous les traitements contre la sécheresse oculaire sont des sources d’inquiétude. Les gens se demandent, par exemple, quels sont les effets à court et à long terme des antibiotiques. Ou encore si la lumière intense pulsée va endommager leurs yeux. Ils se demandent même si l’expression des glandes comprend des risques. Essentiellement, tous les traitements contre la sécheresse oculaire causent des inquiétudes, parce qu’ils sont tous relativement nouveaux et qu’il y a peu d’études à leur sujet.

Quel est le rôle de la douleur dans la sécheresse oculaire et la santé mentale?

[Anu Chiarelli] : Les spécialistes des soins de la vue doivent être conscients du fait que nous pouvons souffrir d’une grande douleur, même sans signes importants de sécheresse oculaire. Il est important que notre douleur soit prise au sérieux. Même si vos yeux semblent en bonne condition, vous pouvez tout de même ressentir une grande douleur.

La sécheresse oculaire cause différents niveaux de douleur. Certains ressentent un inconfort qui peut être soulagé facilement au moyen de gouttes, tandis que d’autres ressentent constamment une grande douleur. Il est, je crois, bien connu que la douleur affecte la santé mentale et augmente le risque de dépression, d’anxiété, et même de trouble de stress post-traumatique. La dépression et l’anxiété peuvent aussi accroître la douleur perçue; il s’agit donc d’un cercle vicieux. Lorsque vous êtes anxieux et tendu, vous êtes plus sensible à la douleur et la percevez donc davantage. La douleur causée par la sécheresse oculaire peut même mener les gens à souhaiter que leurs yeux leur soient enlevés. Vous voulez simplement que la douleur disparaisse; sans yeux, vous n’aurez plus mal.

La douleur peut mener à des pensées suicidaires, ce qui constitue un autre risque. La douleur causée par la sécheresse oculaire est très difficile à traiter; elle ne disparaît pas simplement en prenant un comprimé de Tylenol. Plusieurs médicaments ont d’ailleurs comme effet secondaire d’assécher les yeux.

Nous savons que la sécheresse oculaire peut affecter la santé mentale, mais est-ce que l’inverse est aussi vrai? Est-ce que l’anxiété et la dépression ont une incidence sur les yeux?

[Anu Chiarelli] : Est-ce que la dépression et l’anxiété ont une incidence sur les yeux? Absolument. Il faut se rappeler que le corps et l’esprit sont liés. On ne peut les dissocier. Une personne soumise à des facteurs de stress ou qui présente un trouble de santé mentale tend à percevoir plus fortement la douleur et à ressentir des symptômes plus intenses de sécheresse oculaire en général.

La sécheresse oculaire est aussi une maladie inflammatoire, et l’inflammation est un facteur causant la sécheresse oculaire. Le stress provoque une inflammation dans le corps. Il est donc logique qu’une plus grande inflammation globale puisse entraîner l’aggravation de la sécheresse oculaire.

Nous savons que les traumatismes augmentent le risque de maladie chronique. Plusieurs facteurs ont une incidence sur la sécheresse oculaire, et les traumatismes et facteurs de stress psychologiques comme la dépression, l’anxiété et les troubles de santé mentale peuvent aussi y contribuer. Ils n’en sont pas la cause, mais ils peuvent avoir une incidence, avec d’autres facteurs tels que les hormones, le port de lentilles de contact, etc. On ne peut déterminer une seule cause précise; on ne peut pas dire, par exemple, que les hormones causent la sécheresse oculaire, autrement, chaque femme en ménopause aurait les yeux secs. Les personnes ayant vécu un traumatisme n’ont pas non plus nécessairement les yeux secs, mais il peut s’agir d’un facteur.

Vous avez mentionné plus tôt que les maladies chroniques telles que la sécheresse oculaire peuvent donner lieu à une crise existentielle. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus en quoi cela consiste?

[Anu Chiarelli] : D’abord, qu’est-ce qu’une crise existentielle? II s’agit d’un questionnement pour savoir si notre vie a un sens ou de l’importance. Une maladie chronique, quelle qu’en soit la nature, peut vous empêcher de vous adonner aux activités que vous aimiez pratiquer ou de faire ce qui donnait auparavant un sens à votre vie.

Vous vous demandez alors quel est votre but dans la vie. Vous vous demandez à quoi servent vos souffrances et pourquoi vous souffrez ainsi. Durant les périodes les plus sombres, j’ai écrit certaines choses, par exemple : « Qu’est-ce que cette souffrance est censée m’enseigner? Est-ce que ma vie est gâchée parce que je ne fais plus tout ce que j’avais l’habitude de faire? » J’avais l’impression qu’on m’enlevait tout. Je me disais : « Si mon état ne s’améliore pas, si ma vie se résume maintenant à cela, si je n’ai plus de but ni de raison d’être, autant mourir. » À quoi sert de vivre sans raison d’être? Nous avons tous besoin d’un but.

La sécheresse oculaire est-elle associée aux pensées suicidaires?

[Anu Chiarelli] : Je n’ai personnellement jamais pensé activement au suicide; mon travail et ma famille m’ont gardée en vie. Mais il est intéressant de se demander : si le travail revêt une telle importance qu’il vous tient en vie, que ressentiriez-vous s’il vous était enlevé? J’ai pu continuer, puis mon état s’est amélioré. Mais je me demandais constamment : « Si telle est ma vie, est-ce que j’ai vraiment envie de continuer ainsi? »

Vous vous inquiétez aussi d’être un fardeau pour votre famille. Si votre famille vous tient en vie, mais que vous êtes actuellement un fardeau pour elle, vous vous dites qu’elle se porterait peut-être mieux sans vous. Vous ne voulez pas accabler vos proches.

Selon la documentation que j’ai lue à ce sujet ainsi que ma propre expérience avec d’autres patients aux yeux secs, il n’est pas rare d’avoir de véritables pensées suicidaires. Alors oui, la sécheresse oculaire est souvent associée aux pensées suicidaires.

Y a-t-il une différence entre avoir des pensées suicidaires et présenter un risque de suicide?

[Anu Chiarelli] : Toute personne ayant des pensées suicidaires présente un risque de suicide. Le fait de réfléchir à la mort ne veut pas dire que vous allez mettre fin à vos jours. Une personne qui pense au suicide souhaite généralement être soulagée de sa souffrance, que ce soit sur le plan physique, émotionnel ou mental. Elle veut que la douleur disparaisse, mais pour elle le suicide est le seul moyen d’y arriver. Si vous arrivez à atténuer sa douleur, elle ne pensera plus au suicide. C’est la douleur qu’elle souhaite soulager.

[Fin de la première partie de l’entrevue]

Veuillez cliquer sur ce lien pour consulter la deuxième partie de cette entrevue, qui porte sur les avantages d’un plan de traitement holistique et personnalisé tant pour la santé oculaire que pour la santé mentale.

Demandez de l’aide si une personne que vous connaissez ou vous-même avez des pensées suicidaires.


[i] Morthen, Mathias Kaurstad, Morten Schjerven Magno, Tor Paaske Utheim, Harold Snieder, Christopher J. Hammond et Jelle Vehof (2021). « The Physical and Mental Burden of Dry Eye Disease: A Large Population-Based Study Investigating the Relationship with Health-Related Quality of Life and Its Determinants », The Ocular Surface, vol. 21, p. 107-117. https://doi.org/10.1016/j.jtos.2021.05.006.